Titre « volé » à Xyr sur son dernier billet. Merci pour l’idée.
Même quelques jours après, l’esprit un peu refroidi, je ne parviens pas à toujours trancher, distinguer le bien du moins bien, hésitant d’un côté entre une déception qui n’a peut-être pas lieu d’être et de l’autre part une »joie » amère que oui malgré tout cette année là constitue un tournant.
Je persiste à penser que malgré ses insuffisances, Sarkozy avait apporté quelque chose de neuf et sur certains points inversé des tendances : culture de la grève qui en avait pris un coup avec la réforme des retraites, diminution du nombre de fonctionnaires d’état, désengagement des universités, une réforme des collectivités ouvrant la voie à la suppression des départements (symbole du jacobinisme) en commençant -cynisme selon certains, lucidité profonde sur la nature de la politique selon d’autres par supprimer les conseillers généraux, carte judiciaire pour citer les plus importantes.
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Mais il aura été battu par un adversaire de taille. François Hollande? Non. Le clientélisme de gauche, un complexe administrato-associatif qui va du recrutement de fonctionnaires territoriaux aux effets de la loi SRU, machine à distribuer des faveurs et à allouer des électeurs. Tout est et sera à gauche : bientôt les deux Chambres, toutes les strates de la vie politique, la magistrature, le quatrième pouvoir médiatique et la majorité des associations. Il n’aura pas su inverser cette tendance. Ou même commencer à le faire. Est-ce possible? Je le pense mais j’y reviendrais plus tard. Alors après. Une analyse sommaire oblige à préciser que -sur le plan économique- tout du moins Hollande ne réalisera pas le pire de son programme. Sur les réformes de Sarkozy il ne reviendra pas, et cette politique sera d’autant plus facile à mener que les réformes sociétales néfastes (qui elles viendront vite) serviront de miroir aux alouettes, de façon à énerver la droite et réunir son camp. Et Marine? De ces 18%, probablement aucun député ne sortira. La stratégie de refus d’alliance de l’UMP conduira, dans pratiquement toutes les nombreuses triangulaires qui s’approchent, à la victoire du candidat de gauche. En tout cas pour l’instant, mais je comprends sa stratégie et de son point de vue, celui de l’avenir du FN, elle me semble être la seule logique et viable.
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Mais il s’agit de la France, et au fond sur cela je rejoins Ivane, on s’en fout. Nous vivons une évolution qui nous amènera vers un sous-développement, un éloge du multiculturalisme alors que Marseille était beaucoup plus »diverse » il y a 60 ans qu’elle ne l’est actuellement. La machine s’est embrayée écrivait Raspail, dans une sobriété dont il est peu coutumier, dans le Camp des Saints une fois la flotte arrivée. Le visage d’une France qui ressemblera à Détroit, cauchemar dont le romancier pour sa santé d’esprit ne s’est pas risqué à décrire ou à imaginer. Ce qui se comprend. Peut-être à ce stade, valait-il mieux raconter le récit de guerres perdues par des hussards se couvrant en vain de gloire et d’honneur. Dans ce monde sur la brèche nous vivons, pourtant nous restons maître du processus, moins que ce que les idéalistes le pensent, mais plus que ce qu’un cynisme un peu facile peut laisser à penser. Ce modeste blog peut en être une sorte de preuve. Les époques de décadence sont à cet égard capitales, car elles appellent les hommes à remonter sur la brèche, à ressortir de l’abîme où l’oubli de l’être les a conduits. Mes co-bloggers et moi même aurions pu sombrer dans le grand Tout indifférencié, le monde des »hommes-gris » qui faisait tant cauchemarder Saint-Loup. Et dans cette perspective, le succès ou l’échec restent secondaires. Peut-être parce que rien n’est définitif, une intuition géniale que Thucydide, dont j’achève la lecture, m’a fait comprendre et partager.
Là où je tiens à apporter une précision c’est que la pente mauvaise sur laquelle l’Europe plonge est déjà si avancée que les peuples ont perdu la dernière force spirituelle, celle qui leur permettrait du moins de voir et d’estimer comme telle cette décadence. Ce qui s’est vu avec les drapeaux afro-maghrébins à Bastille et ailleurs un certain 6 mai, le soir, où la majorité persistera à ne pas voir ce qu’elle voit. Cette simple constatation n’a rien à voir avec un pessimisme concernant le destin de la civilisation qui m’a fait naître, rien non plus, bien sûr, avec un optimisme ; car l’obscurcissement du monde, la grégarisation de l’homme, la suspicion haineuse et grandissante envers tout ce qui est créateur et libre, tout cela a déjà atteint, ici et ailleurs, de telles proportions, que des attitudes comme pessimisme et optimisme sont depuis longtemps devenues ridicules.