Après avoir hésité à marquer cet article de la série « approche empirique du progressisme », j’épargne la longueur du titre à vos yeux délicats.
Par ailleurs ça fait un moment que je voulais parler de la culture d’entreprise. Pour ceux d’entre vous qui ne sont pas immergés dans une boîte nécrosée par le management à outrance, ne me prenez pas pour un dingue, tout ceci est réel.
Bref c’est quoi, cette culture d’entreprise?
De nombreuses composantes sont identifiables, citons par exemple :
-histoire de l’entreprise (grands hommes, fondateurs, évolution des produits,…) ;
-rites ;
-contexte culturel initial (professionnel ou national) ;
-symboles ;
-structures de pouvoir ;
-héros ;
-valeurs (implicites ou explicites) ;
-croyances collectives ;
-mythes (ex: entreprise fondée dans un garage) ;
-codes vestimentaires ;
-langage précis ;
-méthodes de travail ;
-habitudes socio-culturelles ;
…Les composantes de la culture d’entreprise selon Wikipédia
Pour faire court: parce que la rémunération variable n’intéresse pas tout le monde, parce que le stress du boss n’a aucun effet sur certains, les manajeurs ont pondu ceci afin de motiver leurs troupes de petits Stakhanov. Sauf qu’on ne parle plus de Parti, mais de Groupe, de Boîte, de Branch,…
Une vraie fabrique à bons petits soldats! On se croirait en famille, et c’est le but non-dissimulé. Mais essayez donc de faire la gueule à ce repas de famille et vous êtes grillé pour de bon. Pas de mamie qui vient vous remonter le moral, pas d’oncle qui prendra votre défense si vous avez un mot plus au que l’autre envers le chef de famille.
Comme bon nombre d’inventions diaboliques, on doit celle-ci au monde corporate anglo-saxon. Ces derniers se sont aperçus qu’une entreprise qui comportait des opinions ouvertement différentes, des tenues, des langages,… n’était pas cohérente, donc faible. Or, comme ils ne vivent que pour le sacro-saint avantage concurrentiel, il y remédièrent en se servant de l’entreprise elle-même. L’idée, c’est de donner un sens au travail, que le salarié pense pouvoir s’épanouir sans que l’on n’y perde de fric. Et c’est vrai si l’on se réfère à la fameuse pyramide de Maslow: après le besoin alimentaire, assouvi par le salaire de base, l’étape suivante est le besoin d’appartenance. Alors oui il pourrait s’investir dans une association, un groupe de musique, que sais-je encore? Mais on y gagne quoi, nous? Autant qu’il se sente appartenir à notre cause, il n’en sera que plus productif!
L’employé fier de sa boîte aura moins besoin que l’on soit derrière son cul, et s’il est récalcitrant, il se fera remettre en place tout en douceur par un collègue. De cette façon, le manajeur reste le gentil de l’histoire.
Ce n’est pas sans me rappeler la réplique de Zemmour à Xavier Niel, patron de Free. En substance, il disait que les grands patrons n’avaient jamais paru aussi décontract, alors qu’ils n’ont jamais été aussi durs capitalistes…
Donc moins de coûts d’encadrement, mais aussi moins de salaires, parce que le salarié impliqué n’a pas peur des heures sup’ (non payées, vous vous croyez où?), c’est même devenu un must à savoir placer en entretien d’embauche!
D’ailleurs les derniers arrivés ont le droit à la Grand Messe, la journée d’intégration! Là, si t’es pas Stakhanov, t’es déjà mort. C’est quoi le programme? Une course d’orientation? J’adore! Une course en sac? J’suis champion départemental!
Prenons un exemple connu: Disney!
Les gens embauchés là-bas pour être en contact avec la clientèle, on les appelle les CastMembers. Et tout le vocabulaire professionnel qui va avec tourne autour du théâtre et du cinéma. C’est un métier d’acteur, et la journée de travail est une représentation.
J’ai pris cet exemple mais il y en a des tonnes, de Ikea à Apple avec ces auto-proclamés par le haut genius.
Par exemple, je vous mets au défi de foutre les pieds dans une agence LCL le matin, à l’ouverture. Vous verrez le cirque auquel le premier client de la journée est convié.
Je charrie cette idée d’identité d’entreprise, mais il faut reconnaître le concept à fait ses preuves.
Finalement si on résume, la culture d’entreprise, c’est tout un tas de valeurs issues de l’histoire cette dernière, de ses héros et de ses mythes. Elle a son propre langage, sa façon de s’habiller et de se comporter. Et pour couronner le tout, elle se transmet aux nouveaux arrivants par un truc qui s’appelle la « journée d’intégration ».
Alors pour finir j’ai une question pour vous: Est-ce-que vous imaginez ma gueule, quand une petite prof rousse et toute guillerette m’avait fait cours là dessus, en pleine polémique de débat sur l’identité nationale?
Vous voyez maintenant où je voulais en venir.
Allez, encore un petit coup de Wikipédia pour finir:
Cette culture peut mourir, se trouver absorbée ou être métissée en cas de faillite, fusion ou scission de l’entreprise qui porte cette culture, qu’elle soit constituée en grande ou petite communauté humaine.