Je ne suis pas cynique, contrairement à ce que certaines personnes de mon proche entourage pourraient parfois penser. Je vis avec deux axiomes : on mérite toujours ce qui nous arrive et l’on ne peut vouloir ceci ou cela qu’en acceptant les conséquences. Ces deux axiomes uniques formant la base de toute éthique de la responsabilité.
Ce qui effraie le plus dans le cas d’Anders, cela restera son inventivité, certes les kamikazes du 11 septembre avaient pris des cours de pilotage et avaient détournés des avions en utilisant des armes blanches. Ils avaient ouvert une voie. Mais cela restait une organisation, décentralisé mais avec une tête, une stratégie, un plan bien que confus. Anders est seul. Seul donc imprévisible. Donc un danger. Il n’entre pas dans le cadre et ne fait pas partie du plan.
« If, tomorrow, I tell the press that, like, a gang banger will get shot, or a truckload of soldiers will be blown up, nobody panics, because it’s all « part of the plan. » But when I say that one little old mayor will die, well then everyone loses their minds! »
Alors oui il appartient à un système de valeurs facilement identifiable, mais au fond que sait-on de lui? : ce qu’il a dit lui-même, son profil facebook, son profil twitter, son mémoire de 1500 pages que je commence à survoler : une poussière de connaissance, en somme, je l’ai dit, presque rien.
«Si l’Europe de l’Ouest et les États-Unis avaient emprisonné tous les marxistes après la Seconde guerre mondiale, et avaient considéré l’idéologique marxiste comme aussi haïssable que le nazisme, nous n’en serions pas là.» Anders Behring Breivik
D’autant plus qu’il ne s’est pas attaqué à une mosquée, à des immigrés, mais aux salopards qui les font venir. C’est l’état français qui détruit la France disais-je dans le billet précédent. C’est l’état norvégien qui détruit la Norvège. Anders est conséquent et a su démêler l’écheveau des causes qui nous ont conduit à la situation actuelle : il ne s’agit pas de vouloir le « pouvoir » ne serait-ce que pour l’infléchir comme les ligues des années 1930 ou le terrorisme d’extrême gauche des années 1970, il s’agit d’être capable de ne pas dépendre du Pouvoir, d’en dépendre le moins possible, de ne prendre loi qu’en soi-même et de ne pas se laisser affecter par le monde – et les sous-hommes – comme il va… Quelque soit l’époque, c’est nous qui décidons ou non d’être libre, et les limites que nous fixons à cette liberté. Leur montrer que chaque acte apporte les inévitables conséquences.
« Que faire, puisque nul ne saurait renoncer à sa dignité d’homme au prix d’un acquiescement au racisme ? Que faire, puisque dans le même temps, tout homme – et toute nation – a le droit sacré de préserver ses différences et son identité au nom de son avenir et au nom de son passé ? »
Jean Raspail. Préface au Camp des Saints. 2006
On a le choix. Les raisons d’abdiquer, de refuser le conflit, de faire le saint, ne manquent pas… L’impossibilité de prendre à bras le Destin qui les défie est assumée, avec la conscience que cela signifie la fin d’un monde. Eh bien, que nous disent Raspail et Anders ?
Que parce que nous nous devons à une certaine idée de nous-mêmes, nous ne pouvons consentir au racisme. Ce mot piégé par les ennemis de l’Europe aura vraiment fait sa fonction qui est d’annihiler tout esprit critique chez les victimes de l’invasion. Il dit aussi que « le droit de préserver ses différences et son identité » est sacré. Mais si cette exigence était sacrée, le désagrément de paraître raciste, aux yeux du quidam, de l’État, de la postérité ou à ses propres yeux, ne devrait pas retenir une âme bien née. Car le propre du sacré est justement de ne souffrir rien qui le mette en cause. Il faut savoir ce que l’on veut. Mourir proprement, en fils bien né d’une civilisation qui a trop vécu. Ou bien assurer un avenir à ses fils. Et que ne ferait un père digne de ce nom pour ses enfants ? N’irait-il pas jusqu’à se damner lui-même ?
Voilà ce qui fera d’Anders quelqu’un de beaucoup plus moral et noble qu’un homme de gauche et ce que lui reproche la gauche (social-démocrate ou marxiste) ce n’est pas d’avoir frappé, mais d’avoir frappé en premier. Et contre eux. Mieux encore de l’assumer en conscience alors qu’un gauchard quelconque qui en est dénué se réfugiera toujours derrière « la violence de la société » bizarrement le temps d’un acte dont il semble s’extraire.
Car le mal est de tuer certes, mais le mal absolu, c’est-à-dire, si tant est que nous puissions le concevoir, l’Enfer sur terre, c’est de s’être tué soi-même et, ce faisant, d’être hors d’atteinte, de s’exclure volontairement de la communauté des hommes, de leur sanction bien évidemment, mais aussi, et c’est cela qui compte le plus aux yeux du coupable, de leur pardon. Anders sait avoir tué, et son acte horrible ne le place pas hors de la catégorie des hommes, un marxiste tue des archétypes ou des principes (libéral, réac, patron, exploiteur). Ces gens là qui prennent l’homme pour alibi pour mieux le réduire à l’état de chose afin appliquer leurs principes creusent en même temps les charniers qui continrent les victimes du XXe siècle. Cela ne leur pose jamais problème car la question n’est jamais posée. Voilà pourquoi le marxisme ne fraye qu’à travers des champs de boues peuplés d’âmes mortes comme l’avait très bien compris et expliqué Camus en son temps. Et voilà pourquoi ils détesteront les Anders Behring Breivik dont les mains tremblent. Parce qu’il est fondamentalement vivant.